Une Cathédrale au coeur de la cité ardente

Dans l’axe principal du piétonnier valorisant le centre de la Ville de Liège, la cathédrale Saint-Paul constitue un pôle majeur de l’identité de la Ville. Par sa qualité patrimoniale. Par sa fonction symbolique et citoyenne. Par son attrait.

Patrimoine majeur de Wallonie

Construite pour l’essentiel entre 1240 et 1430, l’ancienne collégiale Saint-Paul, une des sept collégiales de Liège, consacrée en 972 par le prince-évêque Notger pour sacraliser sa capitale, n’est devenue cathédrale qu’en 1802, pour remplacer l’ancienne cathédrale Saint-Lambert, détruite en 1794 lors des troubles révolutionnaires. Son clocher, situé à l’extrémité occidentale, ne fut élevé qu’en 1814, image exacte de celui de la cathédrale détruite.

Patrimoine majeur de Wallonie, l’édifice, remarquable dans son harmonie et la qualité de sa lumière, s’honore de voûtes peintes caractéristiques, « le jardin d’Eden », d’un riche mobilier néogothique, d’un ensemble de verrières exceptionnel en sa diversité. Très bel exemple de style gothique mosan primaire, la cathédrale s’ouvre sur un cloître gothique entourant un charmant jardin. Parfaitement rénové et inséré dans les annexes claustrales, le Trésor, l’un des plus importants de Belgique, propose un parcours unique à la découverte de l’histoire de l’ancienne principauté de Liège. 

Les collections sont dépositaires des œuvres d’art de l’ancienne cathédrale mais aussi d’autres églises disparues. Quelque 200 œuvres sont réparties sur trois niveaux autour de chefs-d’œuvre reconnus internationalement : le buste-reliquaire de Saint Lambert, le reliquaire de Charles le Téméraire, l’ivoire des Trois Résurrections ou encore la chasuble de David de Bourgogne. Les verrières de Saint-Paul constituent un ensemble unique particulièrement riche. Le vitrail du transept sud, le Couronnement de la Vierge et la conversion de Saint Paul, dit le vitrail d’Oultres, du nom du chanoine donateur, constitue la plus grande verrière du 16 siècle en Belgique. Sa restauration et sa repose se sont achevées en 2015 grâce à un mécénat soucieux de rendre à la Cathédrale une pièce majeure de son patrimoine.

Symbole de culture 

En parallèle avec le programme important de restauration de l’édifice – quatre années d’études et cinq ans de travaux – une ambitieuse entreprise d’intégration d’art contemporain a conjugué le patrimoine historique et la culture du 21Grâce au mécénat volontaire d’un passionné de dialogue entre expressions artistiques, les verrières orphelines de la cathédrale se sont parées de créations qui, dans leur diversité, habillent l’édifice historique de lumière inattendue. Audacieuses et contemporaines, cinq autres verrières ont été placées dans les chapelles latérales de Saint-Lambert et de Saint-Joseph en 2013, réalisées à Chartres dans les Ateliers Loire, peintes directement sur le verre par le Père dominicain Kim En Joong. L’année suivante, ce sont les baies hautes de la nef centrale qui ont reçu quatorze verrières, également réalisées à Chartres, dessinées par Gottfried Honegger, un maître de l’art conceptuel. Pour marquer la fin officielle des travaux de restauration, le 16 septembre 2021, ce programme de dialogue entre passé et présent, histoire et culture d’aujourd’hui, fut complété par l’inauguration d’un nouveau portail créé par l’artiste belge Jacques Dieudonné qui allie une double porte en laiton doré et patiné de 500 kg et un vitrail en tonalités or.

Une fonction citoyenne 

La Cathédrale est certes une « maison d’Eglise », le lieu par excellence de rassemblement de la communauté des chrétiens du diocèse de Liège autour de leur évêque : le lieu a tiré son nom du siège de ce dernier. Aménagé en fonction de ces rassemblements et de la liturgie, l’édifice est hautement symbolique : ces « belles » pierres sont pétries du sens qui a justifié l’édification de ce qui est bien plus qu’un monument, sacré non pas en lui-même mais par sa fonction et parce qu’il est porteur d’une signification autre que seulement patrimoniale. De tout temps, la Cathédrale a joué un rôle sociétaire.
Emblème souvent de la cité, refuge ou même lieu de rassemblement voire de marché, elle a une fonction citoyenne.
Dans la société plurielle d’aujourd’hui, elle a plus que jamais une vocation à être « la maison du peuple ». Au cœur de la cité, elle est et doit être un lieu ouvert. Espace d’accueil et de gratuité dans l’espace urbain commercial. Espace de sérénité dans l’espace urbain oppressant. Espace d’apaisement et de beauté dans l’espace urbain déstructuré. Espace de « zénitude » par-delà toutes les appartenances. Un lieu où tous les « entrants » peuvent être des « hôtes », où tous les « passants » peuvent devenir des « visités » par la grâce du lieu.
A cette fonction citoyenne de la Cathédrale s’adjoint la vocation touristique de ce haut-lieu patrimonial. Les mille entrées par jour en saison, l’« attrait naturel » d’une cathédrale pour un visiteur étranger, la notoriété et les animations du Trésor, la diversité des manifestations culturelles ou philanthropiques en recherche d’un lieu emblématique, la qualité des événements opérés par les desservants de la cathédrale conscients et soucieux de son rôle culturel dans la cité témoignent de la réalité de cette vocation.

Honorer un lieu emblématique 

Un manque 

Depuis plus d’un siècle, la cathédrale Saint-Paul de Liège est dépourvue d’un orgue digne de son rang.Depuis la dépose, en 1895, de l’orgue Le Picard, construit en 1741 pour la collégiale Saint-Pierre et transféré à Saint-Paul en 1805, il n’y a plus à la cathédrale d’orgue capable de relever la solennité des offices par ses interventions solistes et de contribuer au rayonnement culturel du lieu emblématique qu’est la cathédrale au cœur de la cité.Si deux orgues desservent apparemment la cathédrale, ils ne peuvent assumer cette double fonction. L’un, construit en 1870 par Joseph Merklin, appuyé contre le mur sud-ouest du transept, même s’il comporte trois claviers, ne compte que 24 jeux et demeurent un instrument d’accompagnement. Le second, lui aussi orgue d’accompagnement, posé en 1909 par Jules Geurts au fond de la nef centrale, est muet depuis une trentaine d’années. La plupart des cathédrales, en Belgique et à l’étranger, détiennent deux instruments pour leur vie musicale, un grand orgue et un orgue de chœur. Leurs fonctions sont différentes et caractérisées. Au grand orgue reviennent le rôle de soutien du chant des grandes assemblées et l’exécution des chefs-d’œuvre de la littérature organistique résonnant dans tout l’espace des nefs. A l’orgue de chœur revient le rôle de soutien de petites assemblées autour du chœur. La carence d’un grand orgue génère de nombreux inconvénients évidents tant pour la solennité du culte cathédral que pour la vie culturelle liégeoise. Il est symptomatique qu’il n’y a jamais de grands concerts d’orgue à la cathédrale, contrairement à ce qui se passe à Bruxelles, Anvers, Maastricht, Cologne ou Paris.

Un pari ambitieux

Après avoir envisagé de construire un nouvel instrument en réutilisant tout ou partie de la tuyauterie des orgues Merklin et Geurts, il est apparu que cette option devait être abandonné et la création d’un orgue entièrement neuf préférée. Doter la cathédrale de Liège d’un grand orgue d’une envergure internationale qui ferait la fierté du Pays de Liège rehausserait de son éclat les cérémonies liturgiques et apporterait une contribution unique à la vie artistique liégeoise. Le nouvel instrument devrait servir de manière convaincante un très large répertoire s’étendant de la musique ancienne à la musique contemporaine, en passant de J. S. Bach à César Franck, pour ne citer que deux noms illustres. Il devrait en outre présenter un caractère exceptionnel qui le distinguerait des autres instruments des cathédrales belges ou européennes. Chargé de concevoir les axes majeurs de ce projet ambitieux, Bernard Foccroulle, organiste et compositeur de renommée internationale, ancien directeur de l’Opéra de la Monnaie à Bruxelles et du Festival d’Aix-en-Provence, a proposé de construire ce nouvel instrument autour de la figure tutélaire d’Olivier Messiaen, musicien qui renouvela le langage de la musique d’orgue et 

fut le plus grand compositeur de musique religieuse du 20 Son opéra « Saint-François d’Assise », créé en 1983 à l’Opéra de Paris, illustre à lui seul l’enracinement du compositeur dont l’œuvre ancrée dans les traditions multiséculaires occidentales et orientales est profondément contemporaine. Faut-il rappeler que son dernier grand recueil pour orgue, composé en 1984, est le « Livre du Saint Sacrement », entièrement consacré à la Fête-Dieu, dont la ville de Liège est le berceau ? Il ne s’agira pas de copier l’orgue de la Trinité à Paris, dont Messiaen a été titulaire durant 61 ans. S’inspirant du courant esthétique de l’orgue néoclassique et symphonique, caractéristique du compositeur, l’orgue de Liège ne sera pas limité évidemment à l’interprétation de ce seul répertoire : il devrait permettre de jouer dans les meilleures conditions les œuvres les œuvres baroques françaises et allemandes, romantiques ou contemporaines. S’appuyant sur la composition de l’orgue de la Trinité et sur les entretiens de Messiaen sur sa vision de l’orgue, Bernard Foccroulle a ébauché un instrument de 81 jeux à la manière de celui construit par Pascal Quoirin en 2010 à l’église de l’Ascension à New-York, selon les conseils de Denis Keene et Jon Gillock, ancien élève de Messiaen et auteur de l’un des meilleurs livres sur son œuvre d’orgue.

Liège avec b. expressives
Liège haut b. expr.

Un projet intégré

Depuis une dizaine d’années, parallèlement à l’importante campagne de restauration de l’édifice, la cathédrale s’est ouverte aux créations contemporaines : le mobilier du chœur (Florence Cosse), les vitraux de Kim En Joong et de Gottfried Honegger, le portail de Jacques Dieudonné. Le nouveau grand orgue devra s’inscrire dans cette recherche conjuguant l’intégration dans un espace patrimonial à respecter et l’ambition d’une esthétique contemporaine en synergie avec notamment les dernières créations. 

La cohérence de cette intégration développera l’exemplarité reconnue du dialogue réussi entre patrimoine et culture à Saint-Paul. L’espace dans lequel se situera le nouvel orgue est le même que celui qui accueille déjà l’orgue de 1909, les deux travées situées sous le clocher, espace qui date pour l’essentiel du 15 siècle transformé à la fin du 19 Bien entendu l’importance du projet exigera un agrandissement de l’espace occupé. Le nouvel orgue répartira ses 81 jeux en deux massifs appuyés sur les murs latéraux encadrant la grande verrière qui perce la façade occidentale de la cathédrale, habitée depuis 1970 par une des dernières œuvres de Max Ingrand représentant la Trinité, la Résurrection du Christ et la Pentecôte, ainsi que l’adoration des bergers et des mages. 

Ces deux massifs s’élèveront jusqu’au triforium, préservant la perspective de celui-ci sur toute la longueur de la cathédrale. Les simulations montrent qu’il est possible de loger l’instrument souhaité dans l’espace imparti. On prolongera la tribune actuelle pour permettre l’augmentation de la volumétrie de l’orgue en veillant à ne pas masquer les arcatures du 15 siècle sur les murs latéraux et en privilégiant la légèreté de la construction. Des gradins pourraient être ajoutées pour accueillir un chœur Le buffet habillant le corps de l’instrument devra faire l’objet d’une étude particulière et se caractériser par une architecture et une esthétique contemporaine en complément des créations désormais typiques de Saint-Paul.


 Des synergie à conjuguer

Synergie des compétences 

Le projet sera sous la responsabilité de la Fabrique d’église de la cathédrale de Liège, maître de l’ouvrage.

Un comité d’accompagnement mis en place depuis la fin de 2019 réunit, sous la présidence de Monseigneur Jean-Pierre Delville, Evêque de Liège, les représentants de la Fabrique d’église, les organistes Anne Froidebise, Bernard Foccroulle, Eric Mairlot, Joëlle Sauvenière et Jean-Luc Thelin, ainsi que les personnalités qui ont accepté de suivre la mise sur orbite du projet. Ce comité d’accompagnement soutient par son expertise l’Association des Amis de l’orgue de la cathédrale. Sa mission se terminera quand l’orgue sera construit. Le comité d’accompagnement a fait appel au technicien-conseil Christian Lutz, chargé de l’étude de la situation existante et de la préparation d’un cahier de charges qui servira de base au concours international ouvert aux meilleurs facteurs d’orgues européens. Expert français renommé internationalement, Monsieur Lutz dirige notamment la restauration en cours du grand orgue de la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Enfin, un comité d’experts internationaux, réunit Olivier Latry, Thomas Lacôte et Jon Gillock, trois organistes et experts internationaux reconnus de l’œuvre d’Olivier Messiaen. Ceux-ci sont appelés à épauler et conseiller les instances précédemment nommées, et à participer au jury qui devra attribuer la réalisation du projet à un ou plusieurs facteurs d’orgues. Un comité de soutien, par la notoriété de ses signatures, cautionne le bien-fondé du projet.

L’Association des Amis de l’Orgue de la cathédrale, sous la présidence de Monsieur Michel Foret, gouverneur honoraire de la Province de Liège, a été mandatée par la Fabrique d’église comme maître d’œuvre délégué. Elle assume la responsabilité de l’étude du projet, sa finalisation et son financement, la coordination de toutes les parties prenantes ou concernées. Elle sera chargée, une fois l’orgue construit sous sa tutelle et le mettre en valeur par un programme de manifestations culturelles de qualité et d’établir des partenariats avec les institutions locales et étrangères. Elle aura pour objectif de placer l’orgue de la cathédrale comme un des pôles majeurs de la vie culturelle et musicale liégeoise et régionale aux côtés de l’Orchestre Philharmonique et de l’Opéra.

Synergie des moyens 

L’ambition du projet appelle une recherche importante de fonds pour assumer la charge de la création de cet orgue voulu prestigieux. Le financement sera essentiellement privé, et devrait être assuré par des contributions volontaires d’institutions, d’entreprises, de fondations ou de sympathisants. Le budget, réaliste et volontairement limité, prévoit une dépense de deux millions d’euros. D’ores et déjà l’engagement acquis du mécène des créations contemporaines récentes et de la restauration du vitrail d’Oultres assure un quart de ce budget. Cet engagement devrait entraîner celui d’autres mécènes ‘major’ et, autour d’eux, celui de sponsors importants : ces contributions conjuguées permettraient d’initier l’exécution du projet une fois atteint et confirmé le quorum des provisions de budget indispensables. Les Amis de l’orgue s’attachent à finaliser ces potentiels apports majeurs et à fédérer autour d’eux les contributions, petites ou importantes, qui leur permettront de valider avec les institutions compétentes le cahier 

des charges de la construction de l’orgue et, subséquemment, de lancer l’appel d’offres international qui permettra d’en attribuer le marché. La Fondation Saint-Lambert, associée à la Fondation Roi Baudouin sur fonds Conservation et valorisation du « patrimoine », fédéralisera les contributions destinées au projet de création de l’orgue. Les donateurs bénéficieront de la déduction fiscale (par cet intermédiaire).